Roman : "Chaos brûlant" dans la tête de DSK
Un
fou, accusé par une amie de viol, se retrouve dans la même cellule que
Dominique Strauss-Kahn. Rencontre romancée par Stéphane Zagdanski.
L'affaire
DSK, quand elle a éclaté en 2011, a semblé rendre fous les
commentateurs. L'énormité de l’événement, la vision du patron du FMI,
promis à l’Élysée en 2012, mal rasé, l’œil hagard, menotté, a été un
incroyable électrochoc. La folie n'est donc pas absente de ce
tremblement de terre médiatique. Tout à été écrit, mais la version, la
vision plus exactement, de Stéphane Zagdanski dans « Chaos brûlant » est
passionnante et novatrice. Il ne se contente pas des faits. Il raconte
le fait divers par l'intermédiaire d'un narrateur qui était aux
premières loges.
Sac
d'Os est un schizophrène new-yorkais. Accusé de viol par sa petite
amie, il est arrêté quasiment au même moment que DSK. Sac d'Os doit son
surnom aux tatouages lui recouvrant le corps : un squelette. Quand les
policiers l'interrogent, ils ont la bizarre impression de s'adresser à
un crâne. L'accusé sait qu'il ne risque rien. Les dénonciations
hasardeuses c'est le jeu préféré de sa dulcinée. Dans sa cellule, en
attendant d'être relâché, il utilise son don. Il peut lire les pensées
de ses voisins. Or, ce jour-là, il est à quelques mètres d’un certain
Dominique Strauss-Khan, tout étonné de se retrouver accusé de viol.
Joueur d'échecs
Ce
roman propose donc une véritable virée dans la tête de DSK. Une façon
pour l'auteur d'élaborer une hypothèse crédible. L'homme politique, très
porté sur le sexe, a simplement laissé, une nouvelle fois, parler son
instinct. En sortant de la douche, il tombe sur cette Africaine. Il ne
lui reste que cinq minutes avant d'aller déjeuner avec sa fille, mais
cela lui suffira pour arriver à ses fins après avoir ordonné « Suck my
dick ! ». La description de la scène est très crue. Le roman est
pourtant beaucoup plus que la relation d'une relation... sexuelle. On
apprend nombre de détails sur la personnalité de DSK. Un joueur d'échecs
brillant. Il a toujours un coup d'avance. Sauf ce samedi à New York.
Stéphane Zagdanski profite également de cette affaire pour plonger le
lecteur dans le Manhattan Psychiatric Center, repaire de Sac d'Os et de
quelques-uns de ses amis aussi détraqués que lui.
Remise en cause du « système »
Dans
de longs dialogues, que l'on imagine aisément sur scène, ils jugent la
société. Et leur folie se transforme en clairvoyance. Par exemple un
personnage du roman parle de Twitter : « le
triomphe du peu ou prou médisant, le bégaiement délationnel à la portée
de tous, l'épieur qui pépie pour ne rien dire, le totalitarisme du
cancan fragmentaire, l'hyperbolique redondance du creux. » De la même façon les médias traditionnels, la justice, la politique et autres sujets de société sont passés à la moulinette.
C'est
parfois presque un essai tant les exemples sont développés et
argumentés. On n'est plus dans un roman de fous, ni dans un fait divers
sordide. « Chaos brûlant » est un texte visionnaire sur les maux de
l'Humanité. D'un cas précis, connu de tous, Stéphane Zagdanski
bouleverse toutes nos certitudes. Impossible de ne pas se remettre en
question quand on arrive à la fin de ce pavé digne de mai 68 et de
toutes les révolutions.
Michel LITOUT
« Chaos brûlant » de Stéphane Zagdanski, Seuil, 21 €
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